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Communiqué IRIS

 

 

Budget du Québec 2022 : une approche peu adaptée aux défis de l’heure

Québec, le 22 mars 2022 – Après les perturbations sanitaires et économiques des dernières années, le 4e budget du ministre des Finances Eric Girard est marqué par la volonté d’engager le Québec dans une ère post-pandémique. À la sortie du huis clos du budget, l’équipe de recherche de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) constate que le gouvernement peut pour ce faire compter sur une situation budgétaire qui ressemble étonnamment à celle qui prévalait à la fin du mandat du précédent gouvernement. Des recettes fiscales imprévues (12,4 G$) placent le ministre dans une posture enviable et lui permettent de distribuer des cadeaux préélectoraux. Suivant une approche conservatrice, il n’en demeure pas moins que le budget 2022-2023 est marqué par des demi-mesures face aux défis de l’heure.

Quatre ans après son élection, et alors que la pandémie de COVID-19 s’estompe, le gouvernement a maintenu intacte l’architecture budgétaire et fiscale du Québec. Il n’a pas modifié la méthode de calcul du solde budgétaire — qui a pour effet de noircir le portrait des finances publiques — pas plus qu’il n’a cessé de verser des sommes considérables dans le Fonds des générations en dépit de l’atteinte des cibles de réduction de la dette. « En conservant ce carcan budgétaire, le gouvernement s’empêche de mettre en place des politiques structurantes pour lutter contre les effets de l’inflation sur les ménages et remédier à la crise climatique », souligne le chercheur à l’IRIS Guillaume Hébert en marge du huis clos du budget.

Coût de la vie 
« Le gouvernement, qui versera 500 $ à chaque adulte ayant un revenu de 100 000 $ ou moins, opte pour une mesure ponctuelle et régressive alors qu’il dispose de nombreux outils pour protéger le pouvoir d’achat des ménages québécois, surtout les plus vulnérables », signale Julia Posca, chercheuse à l’IRIS. Plus élevé que celui qui a été attribué aux personnes touchant des revenus plus modestes dans la mise à jour économique de novembre, ce montant aurait à tout le moins dû diminuer à mesure que les revenus augmentent. Par ailleurs, le gouvernement aurait dû miser sur des mesures qui ont des effets à long terme comme la bonification des prestations d’aide sociale ou la hausse du salaire minimum. Pour agir sur les dépenses des ménages, il aurait aussi pu geler temporairement les loyers, les frais de scolarité, et surtout, revenir sur sa décision de fixer les tarifs d’hydroélectricité en fonction de l’inflation.

Santé et services sociaux
En santé, les besoins sont grands, la pandémie ayant mis en évidence les torts que les précédentes réformes avaient infligés au réseau de la santé et des services sociaux. L’objectif gouvernemental de rendre les soins et services « plus fluides, accessibles, humains et performants » est donc louable, tout comme l’est l’engagement « d’assurer une gestion décentralisée », une « gestion de proximité », de faciliter l’accès aux données, ainsi qu’un « changement de culture dans l’organisation du travail », mais les mesures précises pour atteindre ces objectifs restent à déterminer. Les annonces en matière de soins de longue durée sont peu détaillées, ou carrément faméliques dans le cas des services à domicile (100 M$) ou de l’aide aux proches aidant·e·s (38 M$). « Investir dans les services publics demeure un moyen efficace de retenir le personnel épuisé par deux ans de pandémie, mais aussi de soutenir la reprise économique sans creuser notre empreinte écologique », rappelle Guillaume Hébert.

Environnement
Malgré l’urgence climatique, le gouvernement se contente de nouvelles mesures environnementales s’élevant à 63,2 M$ cette année, un montant qui ne fait pas le poids face aux 1,1 G$ consacrés aux mesures visant à stimuler la croissance économique. « En contexte de flambée des prix du pétrole et de l’essence, les mesures qui visent à réduire la dépendance de l’économie québécoise aux énergies fossiles ne devraient pas être, comme le fait le gouvernement, reléguées au second plan », estime Julia Posca. Les 225,8 M$ prévus en 2022-2023 pour maintenir les services de transport des personnes et d’approvisionnement des communautés ne sont en outre pas à la hauteur des besoins en matière de transport en commun, une industrie qui contribue pourtant à la vitalité économique du Québec.